Se voir donner les moyens de diriger : à la rencontrer d’Enver Latifzade, réfugié LGBTQ+ et responsable communautaire
Rédigé par Shevani Khatri, collaborateur du programme américain

Enver Latifzade, un bénévole clé et un responsable de l’organisme communautaire à but non lucratif RUSA LGBTQ+ (RUSA), est arrivé à New York en 2014 en provenance d’Ouzbékistan pour demander l’asile en raison de l’intensification de l’homophobie dans son pays d’origine. La mission de RUSA est de soutenir la population LGBTQ+ eurasienne de la ville de New York. Bien qu’il n’ait pas encore fait son coming-out lorsqu’on lui a conseillé de s’adresser à RUSA pour se faire aider, il a ressenti une immense gratitude d’avoir pu trouver une communauté d’autres immigrés LGBTQ+ originaires d’anciens États de l’Union soviétique, notamment l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie.
« En entrant dans la salle de réunion de RUSA, je me souviens avoir vu et entendu des gens parler la même langue et être confrontés aux mêmes difficultés que moi. Ce fut à la fois très réconfortant et très émouvant », a déclaré Enver.
RUSA, partenaire bénéficiaire du Fonds WES Mariam Assefa, a été lancé en 2008 pour créer un réseau de soutien pour immigrants LGBTQ+ russophones. Il a été fondé en tant que groupe communautaire par Yelena Goltsman, une militante LGBTQ+ originaire de Kiev, en Ukraine. RUSA est devenue une organisation à but non lucratif en 2022. Depuis la création de RUSA, Yelena, aux côtés d’autres membres réfugiés du groupe, de membres du conseil d’administration et de bénévoles de base comme Enver, a offert une communauté, un lieu d’appartenance et des services d’orientation essentiels pour aider les membres de RUSA à trouver un logement, des soins de santé mentale, un soutien juridique et des services de développement de la main-d’œuvre.
Le Fonds a soutenu RUSA en 2022, lorsqu’un nombre considérablement accru de demandeurs d’asile sont arrivés à New York et ces chiffres n’ont pas baissé. En mars 2024, plus de 180 000 migrants sont passés par la ville de New York au cours des deux dernières années. RUSA était l’une des sept organisations à avoir bénéficié d’un financement du Fonds Mariam Assefa en 2022 pour soutenir les efforts sur le terrain visant à aider les demandeurs d’asile.
Enver a vu sa motivation dopée par la rencontre de personnes aux caractéristiques semblables aux siennes, qui avaient réussi leur vie à New York. Souvent, dans les histoires de réfugiés, a-t-il fait remarquer, on parle beaucoup de leurs traumatismes et de leur peine, et trop peu de leur épanouissement. Trouver des membres de la communauté par l’intermédiaire de RUSA a stimulé le moral.
RUSA organise régulièrement des événements communautaires pour rassembler la population LGBTQ+ russophone de New York, notamment des séances de groupe de soutien, des cliniques juridiques avec des organisations partenaires comme SAFE Asylum et des spectacles de drag où les participants et le public sont issus de la communauté. En participant à de tels événements, Enver a commencé à ressentir un sentiment d’appartenance à une communauté et a finalement fait son coming-out.

« Lentement mais sûrement, j’ai commencé à parler de ma propre sexualité, à en parler ouvertement et à ne pas cacher mon identité. Et je pense que RUSA m’a particulièrement influencé », a-t-il ajouté.
En évoquant la situation actuelle des aides aux demandeurs d’asile à New York, Enver indique que l’un des principaux défis est d’appréhender le système d’hébergement et de trouver un logement stable. La plupart des refuges, y compris les hôtels convertis, sont presque toujours occupés à pleine capacité et ont une limite de séjour de 30 jours. « Les restrictions des abris nous affectent profondément », a déclaré Yelena à l’occasion d’un récent échange téléphonique. Chez RUSA, « nous recevons des appels au beau milieu de la nuit toutes les semaines. « Cette crise est en train de nous tuer. »
En tant qu’organisation principalement gérée par des bénévoles, RUSA s’appuie sur son réseau de bénévoles dévoués, qui apportent tous un ensemble diversifié de forces. Grâce à une sensibilisation constante, RUSA a augmenté son groupe de bénévoles de manière exponentielle, mais le travail, par nature, peut être éprouvant sur le plan émotionnel. Les bénévoles et les travailleurs de cette région ont du mal à maintenir un équilibre entre le fait de se présenter pleinement au travail et la priorité donnée à leur propre santé mentale, a expliqué Enver. Il a appris qu’il est primordial pour lui de connaître ses propres limites afin de pouvoir servir au mieux les clients de RUSA et sa communauté.
Alors que RUSA se concentrait à l’origine sur le service aux personnes LGBTQ+ russophones, ses services sont désormais disponibles pour tous les membres de la communauté LGBTQ+, a-t-il ajouté. Sa porte est ouverte à tous ceux qui souhaitent venir profiter de ses événements.
Le principal événement annuel de RUSA, qui attire des centaines de personnes, est la Brighton Beach Pride, qui a débuté en 2017. Enver a contribué à son lancement avec Lyosha Gorshkov, membre du Conseil d’administration de RUSA, et Yelena Goltsman. L’événement est à la fois une source de joie pour la communauté et un espace de protestation contre les lois discriminatoires à l’encontre des personnes LGBTQ+, a précisé Enver. Le 19 mai 2024, RUSA a organisé sa huitième édition annuelle de la Brighton Beach Pride, à l’occasion de laquelle les participants ont marché de Coney Island à Brighton Beach.

En dépit des défis qu’implique le travail d’aide aux demandeurs d’asile, Enver est résolu à continuer d’apporter sa contribution par gratitude envers RUSA et du fait de pouvoir vivre une vie épanouissante. Récemment élu au conseil d’administration de RUSA, Enver célèbre maintenant sa dixième année de vie à New York, travaillant en tant qu’administrateur pour un cabinet médical privé. Il joue du piano durant son temps libre et vit avec deux colocataires qu’il considère comme ses meilleurs amis.
« Je suis reconnaissant envers les gens, qui m’acceptent tel que je suis, qui m’apprennent à me connaître et à découvrir l’histoire des personnes LGBTQ+, et qui bâtissent une communauté » a-t-il indiqué.