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Libérer le potentiel : quel tremplin constitue le mentorat numérique pour les immigrants au Canada 

WES | avril 30, 2025
Jennifer Freeman, PDG de PeaceGeeks, intervenant à l’occasion de la conférence Catalyst Honours.

De nombreux nouveaux arrivants au Canada, mêmes titulaires de diplômes étrangers, se heurtent à de grandes difficultés pour décrocher un emploi à la hauteur de leurs compétences. Les exigences des provinces en matière de reconnaissances des diplômes, sont souvent complexes et difficiles à saisir, ce qui peut en dérouter plus d’un chez les immigrants qualifiés. Les programmes de mentorat s’avèrent alors être une solution efficace, source de bons conseils et d’occasions de réseautage permettant aux nouveaux arrivants de gagner confiance et de trouver les outils nécessaires pour réussir leur intégration sur le marché du travail.

Même si le mentorat peut aiguiller les nouveaux arrivants sur leur carrière, leur apporter un soutien moral ainsi qu’une meilleure appréhension des divers secteurs, l’efficacité de ce dispositif est parfois entravée par une insuffisance de mentors, des attentes mal cadrées et un accès limité à celui-ci. Le recrutement de mentors diversifiés et la facilitation d’accès à de tels services peuvent accroître l’efficacité de ces programmes. Il faut des programmes adaptés, évolutifs, et bien soutenus par des organismes de services aux immigrants, qui tiennent compte à la fois des besoins particuliers des nouveaux arrivants et de la réalité du marché du travail canadien, pour véritablement leur permettre de déployer tout leur potentiel et ainsi bâtir une économie plus inclusive.

Le mentorat numérique : une voie à suivre

En 2023, le Fonds WES Mariam Assefa s’est associé à PeaceGeeks et Immigrant Networks pour lancer un projet pilote, Skilled Newcomers and Professionals Partnership (SNAPP). Ce programme vise à améliorer l’accessibilité du mentorat en faveur des immigrants recherchant du travail et d’autres demandeurs d’emploi. En tant que bailleur de fonds, nous avons observé l’intérêt d’expérimenter une approche pensée pour bâtir une communauté plus inclusive en réduisant les barrières systémiques à l’emploi des nouveaux arrivants. Déployé dans 12 organismes d’aide aux immigrants en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario, SNAPP avait pour objectif d’aider les nouveaux arrivants à s’insérer sur le marché du travail, à se faire un réseau et à acquérir des compétences. En mettant en relation les mentorés en quête d’emploi avec des mentors prodiguant de précieux conseils sur mesure, SNAPP fait progresser les opportunités économiques et soutient l’inclusion des immigrants sur le marché du travail. Le mentorat par voie numérique, dans ce contexte, s’est révélé porteur de véritables changements de vie.

Jennifer Freeman, PDG de PeaceGeeks (troisième personne en partant de la gauche) à la conférence Catalyst Honours.

Les pistes de réflexion du projet pilote : combler les lacunes et impulser un changement durable

Nous avons rencontré Jennifer Freeman, PDG de PeaceGeeks pour évoquer les enseignements tirés de ce programme.

MAF : Quelles lacunes avez-vous pu relever dans le secteur de l’aide aux nouveaux arrivants à l’occasion du projet pilote mené par PeaceGeeks ?

Jennifer Freeman : le secteur canadien de l’aide aux immigrants est très dynamique, et il est souvent cité en tant que référence en la matière à l’échelle planétaire. On observe néanmoins encore de grosses lacunes à combler. Bon nombre de nouveaux arrivants peinent à trouver ou à bénéficier de services en temps utile en raison de divers facteurs, notamment la barrière de la langue, l’isolement géographique et les longs délais d’attente. Qui plus est, les services manquent de visibilité : beaucoup ne savent tout simplement pas vers qui se tourner pour se faire aider. En dépit des progrès réalisés dans les services numériques depuis la pandémie de COVID-19, les nouveaux arrivants continuent de s’informer via des canaux informels comme YouTube, les groupes Facebook et WhatsApp, ce qui les prive souvent d’un accompagnement fiable, personnalisé et professionnel, qui pourrait pourtant faire toute la différence pour leur insertion sur le marché du travail.

MAF : Quelle est la réponse apportée par SNAPP par rapport à ces lacunes et difficultés ?

Jennnifer : le mentorat est reconnu comme un excellent levier d’insertion professionnelle, car il offre un aperçu des attentes sectorielles, de l’intérêt du réseautage et de l’évolution professionnelle. Ceci étant, les programmes traditionnels ont du mal à recruter durablement des mentors qualifiés, en particulier pour les professions spécialisées. En effet, on ne compte plus les organisations qui font des pieds et des mains pour trouver des mentors adaptés aux nouveaux arrivants. Concevoir des programmes de toutes pièces prend du temps et nécessite des ressources considérables. Avec SNAPP, notre pari était de proposer une solution numérique évolutive à même de régler ces problèmes. En mettant en lien plusieurs organismes et mentors via une plateforme commune, nous avons pu mutualiser les ressources et offrir un plus vaste vivier de mentors aux nouveaux arrivants. Cette plateforme numérique a non seulement facilité l’accès au mentorat, mais a également accru l’efficacité du processus, en proposant de meilleurs mentors selon la profession, le profil et les objectifs professionnels des mentorés. Pour les organisations qui n’avaient pas encore programmes de mentorat, SNAPP leur a permis de démarrer sans avoir à créer des programmes de toutes pièces. N’importe quelle organisation n’a qu’à s’inscrire sur la plateforme pour commencer à proposer des opportunités de mentorat concrètes à ses membres.

MAF : Comment avez-vous géré les difficultés durant le projet pilote ?

Jennifer : bien que le projet pilote SNAPP ait permis de réaliser des progrès significatifs en matière d’accès au mentorat, cela ne s’est pas fait sans heurt. Convaincre les organismes d’assistance à l’installation de participer au projet a été l’un des premiers défis. Beaucoup d’organisations tournent déjà à plein régime et hésitent à s’engager dans de nouveaux projets. Nous avons donc insisté sur le fait que la plateforme SNAPP était gratuite et pensée en appui des services en place et non pas pour s’y substituer.

Un autre défi résidait dans la dynamique concurrentielle entre organismes du secteur. Certains craignaient de devoir partager avec d’autres des ressources qu’ils avaient mis tant d’années à constituer, notamment des relations de confiance avec leurs clients et leurs mentors. Il a fallu les rassurer : l’objectif de la plateforme était d’accroître leurs capacités, et non pas de leur faire de l’ombre, mais surtout d’aider davantage de nouveaux arrivants.

Sur le plan technologique, nous avons également eu des ratés. En collaboration avec Immigrant Networks, nous avons initialement opté pour un fournisseur de logiciels commerciaux. Toutefois, nous nous sommes vite aperçus que la plateforme prête à l’emploi de cette société SaaS n’était pas suffisamment modulable pour répondre aux besoins de nouveaux arrivants et d’organismes au service d’immigrants. Nous avons donc décidé de développer SNAPP en interne ; une plateforme sur mesure pensée pour s’adapter aux réalités de notre public cible : les organismes d’aide à l’installation et les nouveaux arrivants.

MAF : Quels enseignements retenez-vous du pilotage de cette plateforme de mentorat ?

Jennfier : Les résultats du projet pilote ont été très encourageants, démontrant la faisabilité et le vif intérêt d’une plateforme de mentorat numérique commune. SNAPP a amélioré l’accès au mentorat pour les nouveaux arrivants, qui ignoraient auparavant l’existence de tels services, dont plus d’une centaine de connexions établies entre 60 nouveaux arrivants et 48 mentors. Les nouveaux arrivants ont fait part d’une grande satisfaction quant à la convivialité de la plateforme et à la qualité des mises en correspondance professionnelles. Les organismes d’aide à l’installation ont également apprécié la simplicité de la plateforme, ce qui a dissipé les inquiétudes sur la complexité technologique.

Le projet pilote a mis en exergue que le mentorat numérique est particulièrement efficace pour les clients ayant des contraintes de mobilité, de genre ou de temps. L’évolutivité à grande échelle de la plateforme peut garantir d’atteindre un public plus vaste et plus diversifié qu’à l’aide de formats traditionnels de mentorat. À terme, l’objectif est de promouvoir le mentorat numérique en complément des services d’emploi en présentiel et de garantir une large adoption d’outils numériques efficaces. Offrir un accès commun ou collectif aux plateformes numériques permettant à plusieurs organismes d’aide à l’installation de s’appuyer sur des technologies axées sur les nouveaux arrivants accorde à ces derniers plus de ressources nécessaires à leur réussite.

Potentiel d’impact au sens large du SNAPP

Aucune approche unique ne peut suffire à garantir un emploi à tous les nouveaux arrivants. Ceci dit, des projets pilotes comme SNAPP illustrent comment les innovations numériques peuvent donner un second souffle aux programmes de mentorat : gagner en modulabilité, en accessibilité géographique et en pertinence par rapport à l’expertise des nouveaux arrivants. Le Fonds est fier de soutenir des idées audacieuses, qui accompagnent les immigrants vers une nouvelle étape de leur vie en tant que membres à part entière d’une communauté au cœur d’une économie plus inclusive et plus juste.

WES

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