La confiance pour accroître les capacités : notre approche pour renforcer nos partenariats avec les bénéficiaires

Par Sifat Yusuf, gestionnaire de programmes, Fonds Mariam Assefa de WES

Le secteur d’aide aux immigrants au Canada fait face à des difficultés croissantes dans le contexte politique national en constante évolution concernant les immigrants et les réfugiés. Ces difficultés vont des conséquences des événements mondiaux, entraînant des déplacements forcés, à l’incertitude liée aux financements et aux ressources, en passant par les politiques qui nuisent aux statuts temporaires ou précaires. En effet, le secteur va devoir traverser des eaux agitées.

Il n’y a pas si longtemps, j’ai moi-même navigué dans les méandres de l’immigration canadienne. Avant d’immigrer, j’ai fait carrière dans la recherche sur les systèmes de santé et le développement social. Mon parcours professionnel au Canada a commencé au sein d’une association à but non lucratif en tant que gestionnaire de projets, qui permettait à des professionnels de la santé formés à l’étranger de trouver un emploi valorisant. Aujourd’hui, j’ai le privilège de me retrouver de l’autre côté de la table, en qualité de bailleur de fonds. Je travaille au sein du Fonds Mariam Assefa de WES, où je contribue à nos efforts philanthropiques visant à favoriser l’inclusion économique des immigrants. J’ai l’occasion unique de défendre nos partenaires bénéficiaires en les aidant à gérer leurs difficultés, d’autant plus que les immigrants et les nouveaux arrivants sont accusés d’être responsables de la crise du logement et des conditions économiques difficiles au Canada. Cette année, le Fonds fête les cinq ans d’un travail essentiel, auquel je suis très fier de participer.

En tant qu’organisme philanthropique basé sur la confiance, outre l’octroi de subventions, le Fonds s’efforce de soutenir ses partenaires bénéficiaires « au-delà du chèque », en s’engageant et contribuant activement en tant que véritable partenaire dans le secteur. À l’heure actuelle, le Fonds aide ses partenaires bénéficiaires à renforcer leurs capacités en adoptant diverses approches, notamment par des réunions virtuelles ou présentielles entre partenaires bénéficiaires, des événements de réseautage pour les mettre en contact avec d’autres parties prenantes qui partagent les mêmes idées, le partage de ressources telles que notre bulletin mensuel des partenaires en anglais et en français, et l’amplification des voix des partenaires par le biais de conférences, d’articles de blog et d’autres moyens de communication.

En mettant l’accent sur le financement d’organismes qui soutiennent les immigrants et les réfugiés défavorisés, le Fonds tente de trouver des solutions à l’environnement externe dans lequel nos partenaires évoluent. En 2021 et 2022, le Fonds a accordé des subventions supplémentaires à petite échelle pour soutenir les efforts de partenaires en matière d’équité vaccinale et répondre à d’autres besoins liés à la COVID-19. Au fil des ans, le Fonds s’est également concentré sur diverses possibilités de formation pour les partenaires, telles que la mobilisation des ressources, la lutte contre le racisme et le soutien à la communication. Après avoir mis en œuvre toute une série d’initiatives indépendantes de renforcement des capacités pour compléter le travail de subvention de base de nos partenaires, le Fonds a décidé, début 2023, d’adopter une approche plus systématique pour identifier et répondre aux besoins uniques de nos partenaires.

En se basant sur des recherches et en s’appuyant sur notre cadre existant de renforcement des capacités, le Fonds a effectué une analyse approfondie des besoins en matière de capacités des partenaires bénéficiaires. Nous avons commencé par analyser les soutiens dont nos organisations partenaires pensaient avoir besoin, en profitant de réunions existantes pour poser des questions et en animant des discussions de groupe sur les besoins en matière de renforcement des capacités. Cela nous a permis de valider des informations et de créer un espace ouvert et sécurisé afin que nos partenaires bénéficiaires puissent partager en toute transparence leurs besoins et leurs préoccupations. Nous avons tenté de réduire la charge de nos partenaires bénéficiaires et de nous assurer que notre stratégie de renforcement des capacités était ancrée dans la confiance, l’équité et la co-idéation d’opportunités, avec des recommandations provenant directement de nos partenaires.

Forts des informations fournies par nos partenaires, nous avons élaboré une enquête pour affiner les principaux domaines où le renforcement des capacités s’avérait le plus nécessaire. Notre objectif était de comprendre leurs points faibles et d’identifier les meilleurs moyens d’y remédier, par exemple par des formations, des conseils de consultants ou des subventions flexibles supplémentaires. Sans surprise, nos partenaires bénéficiaires étaient parfaitement conscients de leurs propres lacunes. Ils essayaient de faire de leur mieux avec les ressources dont ils disposaient, illustrant ainsi leur résilience et leur détermination à aider les communautés qui leur tenaient à cœur. Les résultats de l’enquête nous ont permis de préciser nos priorités en matière de renforcement des capacités et d’élaborer une stratégie s’étendant sur deux ans et axée sur des initiatives précises pour répondre aux besoins cernés.

Ce processus d’analyse des besoins nous a appris que tous les partenaires avaient des besoins et des priorités spécifiques, et qu’il n’était pas facile de concevoir des solutions de renforcement des capacités qui soient utiles à toutes et tous. À l’été 2023, le Fonds a décidé de verser 400 000 $ au Canada et aux États-Unis sous forme de subventions ponctuelles flexibles à des partenaires existants, avec des exigences minimales en matière de rapports. Ces subventions pouvaient être utilisées sur une période d’un an pour répondre à divers besoins des partenaires. Parmi ces besoins, notons l’aide à la participation du personnel des partenaires bénéficiaires à des conférences, l’embauche de personnel supplémentaire pour répondre aux besoins en matière de ressources humaines, les réunions d’équipe pour élaborer une stratégie sur leur mission et leur vision organisationnelles dans les années à venir, et l’embauche de consultants pour rationaliser les processus de gouvernance interne.

Ces subventions supplémentaires ont permis à nos partenaires bénéficiaires d’effectuer un travail organisationnel qui n’est pas souvent financé par d’autres organismes, et pour lequel ils auraient besoin de puiser dans leurs réserves non affectées, si réserves il y a. Talent Beyond Boundaries, une association qui s’engage à aider les personnes déplacées à assurer leur avenir et leurs compétences au Canada, a reçu une subvention de 20 000 $ dans le cadre de cette initiative.

Talent Beyond Boundaries, bénéficiaire de l’une des subventions de renforcement des capacités du Fonds, a utilisé sa subvention pour faire avancer les discussions et les réunions avec ses conseils d’administration sur le développement et l’orientation stratégiques. 

« Il peut être difficile de trouver des moyens de financer des activités comme la direction du changement, l’innovation et la stratégie au sein d’une association à but non lucratif », explique Lara Dyer, directrice de Talent Beyond Boundaries Canada. « La subvention de renforcement des capacités de WES en 2023 nous a permis d’affiner nos compétences dans ces domaines, tant au niveau du conseil d’administration que du personnel, ce qui a stimulé notre performance et nous a aidés à améliorer les résultats dans notre mission. Grâce à cela, nous avons tous progressé ! »

Ayant travaillé dans le domaine du développement social pendant près de dix anse, généralement en tant que bénéficiaire, je sais par expérience à quel point il est difficile de faire la différence, tout en naviguant dans les limites des ressources et des capacités en tant que petite organisation. Alors que le Fonds Mariam Assefa fête son cinquième anniversaire, je suis fier de faire partie de cette aventure de transfert de pouvoir dans le domaine de la philanthropie et de création d’un écosystème de financement solidaire pour les partenaires. J’encourage d’autres bailleurs de fonds à envisager des moyens d’établir un lien de confiance avec les partenaires bénéficiaires et de les aider à accroître leur capacité organisationnelle. Les possibilités sont infinies !

Subaita Rahman